Auteur/autrice : jolg

3 Juin – Ultima

Voilà. On y est. La mer est descendue. Il semblerait qu’elle ait décidé de ne pas remonter.

Me voilà échoué à marée basse.

C’est sans doute mieux que d’être échoué à marée haute avec une mer qui se déciderait à ne pas descendre.

No panic. La vie continue.

La Guyane est une terre qui ne me réussit pas.

En 2006 j’ai voulu la rejoindre à la rame en partant de St-Louis au Sénégal.

De pernicieux courants m’ont plaqué à l’entrée de l’embouchure de l’Amazone.

A toute chose, malheur est bon. J’ai eu le privilège d’être pris en remorque par le bateau-balai skippé par Jean-Yves Terlain, ce qui m’a permis de passer 2 jours à son bord et de parler avec lui de la transat en solitaire de 1972, Plymouth – Newport, où à bord de Vendredi 13, magnifique 3 mâts de 39m de long, il croise dans l’Atlantique Alain Colas, à bord du trimaran Pen Duick IV qu’il avait racheté à l’immense Tabarly.

Alain Colas finit premier, Jean-Yves Terlain second.

Jean-Yves conclut qu’il faut un multicoque pour gagner cette transat et Alain Colas qu’il faut un grand monocoque.

4 ans plus tard, lors de la mythique édition 1976, Jean-Yves est sur British Oxygen, un catamaran de 21 mètres qui se disloquera dans l’Atlantique, et Alain Colas sur le 4 mâts Club Méditerranée, 72 mètres de long, avec lequel il finira péniblement second derrière Monsieur Tabarly sur Pen Duick VI.

Ce placage amazonien s’il m’a fait ne pas terminer la course, m’a permis de passer un moment privilégié avec un grand navigateur. Comme quoi…

Cette année, ce sont un amoncellement de micro-situations qui ont fait que je n’ai pas pu doubler la pointe du Brésil et, rupture de mon gréement aidant, m’ont amené dans ces redoutées eaux guyanaises.

La situation liée au Covid, qui a tant duré et dure encore, tant au Brésil, en Argentine, au Chili, que partout ailleurs quasiment, fait que, il faut bien l’admettre, mon voyage n’a plus de sens.

Si j’essayais de me convaincre qu’il en ait encore un, il y a une quasi-impossibilité de planifier quoi que ce soit.

Donc, fin des courses. Adieu Ferdinand, Juan, Enrique, et leurs compagnons d’infortune.

Juan Elcano est à Saint-Laurent du Maroni et a été mis en vente là-bas.

Je suis en Bretagne me demandant quelle direction prendre.

De quoi sera fait demain ?

Nul ne le sait.

Si à tout âge on peut avoir des regrets, aujourd’hui j’en ai un.

J’ai vu aux infos qu’un porte-container avait très gravement pollué les côtes du Sri Lanka.

J’ai travaillé durant 4 ans sur les convention FIPOL qui indemnisent les victimes des marées noires.

Des résultats concrets ont été obtenus à la suite des marées noires de l’Erika et du Prestige.

Grâce à la mobilisation des opinions publiques et à la détermination de la commissaire européenne aux transports, l’espagnole Loyola de Palacio et de son directeur de cabinet le français François Lamoureux, les fonds disponibles pour les victimes ont été multipliés par quasiment 5, ce que la plupart des gens ignorent aujourd’hui en Bretagne.

Cela s’est passé entre les années 2000 et 2003, déjà de l’histoire ancienne.

Aujourd’hui, 18 ans plus tard, je me dis que si les uns et les autres nous nous étions mobilisés pour qu’un fonds, sur le modèle du FIPOL, soit créé pour faire face aux accidents maritimes quel que soit le type de navires qui les provoquent, 18 ans plus tard, on ne serait peut-être pas loin d’aboutir et les Sri Lankais auraient eu une chance d’être indemnisés.

Il suffirait d’une taxe d’une vingtaine de centimes d’euro par mille parcouru par les 80 000 navires de commerce qui sillonnent la planète pour constituer un fonds de plus d’un milliard d’euros en moins de 2 ans.

Tellement de choses seraient possibles à mettre en place pour le bien de tous…

Comme toujours il faut et il suffit qu’un Homme se lève comme Loyola de Palacio et François Lamoureux se sont levés…

Ainsi va la vie…

Jo

11 mars – Confusion

Etat de ce qui est confus.

On y est. J’y suis. Vous y êtes certainement.
Cette coronavirienne confusion nous atteint toutes & tous à différents degrés.
Pour ramener cela à ma modeste personne, j’ai été testé positif.
Rien de grave. Perte de l’odorat, état grippal, fatigue.
Quand sera-t-il possible d’aller en Guyane sans motif impérieux ?
Lorsque ce sera possible il y a de fortes chances qu’un test négatif soit exigé pour être accepté dans l’avion.
Lorsqu’on a été testé positif durant combien de temps les traces du virus restent dans notre corps ?
Cela varie certainement d’une personne à l’autre.
De Guyane je vais où ?
Le Brésil, l’Argentine et le Chili sont fermés.
Ils vont entrer en période hivernale. Il y a peu (pas) de chances qu’ils réouvrent leurs frontières avant le prochain printemps austral. Septembre ? Octobre ? Novembre ?
Direction les îles du Cap Vert pour se positionner en attendant que la descente vers le détroit soit possible ?
Le Sénégal ce n’est pas trop le plan en ce moment.

Me revient à l’esprit une phrase de Louis Blanchot de Chronic’art à propos du film Interstellar : “La vie y demeure une simple tragédie du temps qui passe, scandée par les promesses non tenues et les rendez-vous manqués”.

Ca correspond bien avec le contexte d’aujourd’hui, isn’t it ?

Jo

1er Février 2021 – Spleen

Michel Le Bris s’en est allé. Directeur de “La Cause du Peuple”, co-créateur de “Libé”, fondateur du festival “Etonnants Voyageurs”, il était de ceux qui vous laissent pantois lorsque vous avez la chance de pouvoir passer un moment en leur compagnie. Il émanait de lui une puissance sereine qui, sans la moindre intention de vous nuire, vous ramenait à votre ordinairalité [pourquoi ce mot n’existe-t-il pas dans la langue française ?], voire à votre médiocrité.

Ma mère ne s’en est pas allée. J’étais rentré de Guyane car elle s’était une deuxième fois cassé un fémur. Étant bloqué en Guyane jusqu’à fin mars, n’étant pas certain de pouvoir revenir la voir une fois reparti en mer, je suis rentré pour ce qui pouvait être une dernière rencontre. Malgré une bactérie mangeuse de chair qui obligea à une seconde opération, 2 semaines après la première, ma mère, 94 ans bientôt et demi, est retournée dans sa jolie chambre à la maison de retraite après un mois passé à l’hôpital. Lorsque je lui parlais des infirmières qui la disaient indestructible, elle s’est permis un trait d’humour : “C’est dommage pour vous !”. Ce n’est pas l’attente d’un quelconque héritage qui nous rendrait impatient de la voir nous quitter, moi et mes 6 frères et sœurs, elle nous a déjà légué son unique patrimoine, les 74 ans d’amour qu’elle a porté à ses enfants.

Michel est parti, ma mère résiste, je suis bloqué en France. Jusqu’à quand ?
Lorsque qu’on revoit les commentaires des politiques et des scientifiques il y a un an : “Il y a très peu de chance que l’épidémie arrive chez nous “ “Les masques ne servent à rien”, etc…on ne peut qu’être dubitatif sur ce que nous réservent les mois à venir.

Même si je pouvais retourner en Guyane, le Brésil, l’Argentine, le Chili sont fermés. Si j’avais pu doubler la pointe du Brésil, je serai certainement bloqué dans un port quelconque comme beaucoup de marins aujourd’hui avec l’incertitude comme compagne.

Il y a peu, la mer était perçue comme un espace de liberté ouvert sur le monde.
Il reste certainement quelques espaces non confinés, non interdits du côté de la Polynésie par exemple, mais pour combien de temps encore ?

Quand pourrons-nous aller d’un port à l’autre sans autre contrainte que celles liées à la navigation ? Quand pourrons-nous assister tous ensemble à un concert ? Quand les stades seront-ils à nouveau pleins ?

Problèmes de nantis me direz-vous, alors que tant de gens n’ont pas de quoi se nourrir, encore moins se soigner.

Dans cette pandémie, comme dans toutes celles qui ont précédé, ce sont les pauvres qui vont payer le plus lourd tribut.

Ça a toujours été comme ça la vie, n’est-ce pas ?

9 janvier 2021 – Nouvelles de Plouarzel

Bonjour à toutes et à tous,

Ma mère âgée de 94 ans se remettant mal d’une intervention chirurgicale, j’ai décidé de rentrer en Bretagne pour la revoir avant de repartir vers le Sud de l’Amérique du Sud. Cette visite ne compromet en rien le programme car comme je l’ai dit dans la précédente newsletter, mon départ de Guyane ne peut se faire avant la fin mars. L’objectif étant d’arriver au Sud de l’Argentine à la fin novembre.

5 Janvier 2021 – Nouvelles de Guyane

Bonjour à toutes et à tous,


Le meilleur possible pour cette nouvelle année qui commence difficilement pour beaucoup de personnes parmi lesquelles celles empêchées de travailler pour cause de Covid.

Me voici donc en Guyane à Saint-Laurent du Maroni depuis 2 semaines, où j’ai été très bien accueilli. (ci-joint le reportage de Guyane 1).

Si on voit le verre à moitié vide, on dira que j’ai “perdu” un an.

C’est étrange d’employer le mot “perdu” alors qu’on est dans l’ignorance totale de ce qui va se passer. Comment perdre un an qu’on n’a pas encore vécu ?

Disons qu’il y a un décalage d’un an dans mon programme.

Dans un premier temps, je vais occuper ce temps disponible pour rencontrer des élèves et leur parler de ces “Grandes Découvertes” qui ont été à l’origine du peuplement de cette région.

Ensuite, préparer mon bateau pour la suite du programme.
Changer le gréement qui est manifestement trop faible.
Je ne peux pas arriver au Sud de l’Amérique du Sud avant le mois de novembre, ce qui correspond au niveau saison au mois de mai dans notre hémisphère.

L’idée est de descendre doucement en fonction des conditions météo, d’arriver dans un port situé au Sud de l’Argentine, Puerto Deseado, et là attendre une fenêtre météo permettant d’arriver jusqu’à l’entrée du détroit. Ensuite arriver à un port, Porvenir, situé en face de Punta Arenas. Bien qu’étant la ville la plus importante de Patagonie, Punta Arenas est à haut risque pour les voiliers. Il n’y a pas vraiment d’abri.

Aller de l’entrée du détroit à Porvenir n’est pas chose simple.

Environ 130 milles à parcourir, mais on ne peut progresser que par tranche de 6 heures avec la marée à condition que le vent ne soit pas contre le courant.

Ça peut être sportif.

Après Porvenir, la route est pourvue d’abris naturels permettant de s’abriter des coups de vents fréquents dans cette région.

Ça restera sportif de toute façon.

Une question vient à l’esprit quand on étudie les conditions de navigation dans ces régions.

De quel bois étaient donc fait des hommes comme Magellan et ses 240 hommes d’équipage qui naviguaient sur des bateaux lourds, peu manœuvrants, sans moteur,
sans cartes, sans savoir où ils allaient, ce qu’ils allaient trouver quand ils approchaient de la côte, bancs de sable, courants violents et la mer qui va avec.

Aujourd’hui l’entrée d’un port comme San Julian au Sud de l’Argentine est fortement déconseillée même aux voiliers de grande taille munis de moteur, de GPS, de cartes précises.

Magellan et ses navires y sont entrés et ressortis tout comme le célèbre pirate anglais Françis Drake 58 ans plus tard. Les caprices du hasard ont fait que Drake comme Magellan a du faire face à une mutinerie dans ce port et comme Magellan il a fait décapiter un de ses capitaines. Encore plus étonnant : lors du passage dans le détroit, un de ses bateaux s’est mutiné et a fait demi-tour comme le San Antonio, un des bateaux de Magellan, l’avait fait 58 ans plus tôt. L’autre soir je discutais avec un skipper qui avait construit son bateau et naviguait autour du monde depuis 1984.

Notre conclusion était qu’on n’est plus les mêmes, le progrès nous a ramolli.

Il n’y a pas eu que Magellan et Drake, comment ne pas mentionner Cook et Bougainville, pour ne citer qu’eux. Ils étaient manifestement d’une autre trempe.

Revenons à aujourd’hui.

Pour le moment c’est pause impromptue en Guyane.

Le plan : départ vers avril pour retraverser l’Atlantique en remontant le moins haut possible, direction Dakar.

Visite à Gorée, centre de regroupement des esclaves en partance pour les Amériques, haut lieu symbolique de la traite “négrière”.

C’est ça aussi la période dite des “Grandes Découvertes”.

Si possible, visite d’écoles à Dakar.

Il serait intéressant de comparer les différents points de vue sur la traite entre les élèves de Guyane, du Sénégal et de France.

Il faut avoir à l’esprit que moins de 40 ans après l’abolition de l’esclavage, en 1885, les pays européens se sont réunis à Berlin
pour se partager l’Afrique.

En juillet/août suivant la météo, descente vers le Brésil.

Same player shoots again.

Je vous tiendrai régulièrement informés.

11 Décembre 2020 – Qui, Quoi, Combien, Comment ?

Bonjour,

Une question qu’on me posait de temps en temps : c’est quoi ton budget ?
Autre question sous-entendue : comment il est financé ?

Il y a environ 2 semaines j’ai été contacté par une prof de seconde. Les Grandes Découvertes sont à leur programme. Ses élèves, charmants geeks qui pensent inconsciemment que les smartphones [merci Steve] ont toujours existé,  avaient beaucoup de questions à me poser et auraient aimé organiser une visioconférence entre eux en classe et moi sur mon bateau.  J’ai répondu à cette professeure que le budget qui me permettait d’être là aujourd’hui était inférieur au coût du matériel nécessaire pour pouvoir faire une visioconférence à partir d’un bateau.

Eh oui, il y a plusieurs planètes, celle du Vendée Globe par exemple où ce type de prestation est possible et celle de l’armada de gens qui naviguent avec moins de moyens. Il faut de tout pour faire un monde.
Au départ de l’Aber Ildut, mon budget était de 18 000 € tout compris : achat du bateau, renouvellement du matériel, de l’équipement, changement du gréement, achat de matériel spécifique comme le routeur Iridium Go [qui permet d’envoyer et recevoir les posts, des mails, des SMS, de téléphoner] achat de nourriture pour 3 mois environ.
Budget de fonctionnement : je paie 175 € par mois pour vous envoyer les posts quotidiens qui font vivre la traversée. Ce montant comprend l’ensemble des prestations qui utilisent le réseau satellite. Les frais de gestion mensuels de l’association Sillages sont de 80€.

Voilà vous savez tout.

Seconde question : d’où vient l’argent ?

Printemps 2019. Je suis invité à Mezos dans les Landes pour présenter mon projet de dérive dans l’Atlantique et le film Marées noires. A la rentrée de septembre je dois admettre que je ne parviendrais pas à monter ce projet. Pour me vider la tête,  je me plonge dans l’histoire des Grandes Découvertes et j’arrive inévitablement sur Magellan.

Je dévore tout ce qui me tombe sous la main, en particulier la bible au niveau Magellan : Le Voyage de Magellan aux éditions Chandeigne. Si vous voulez une histoire bien racontée, lisez Magellan de Stefan Zweig, mais si vous voulez tout connaître de ce voyage, lisez le Voyage de Magellan.
Bref,  j’avance dans ces lectures et finis par me dire : tu vas avoir 73 ans, tu n’as jamais fait le tour du monde, et si tu refaisais le parcours de cette expédition. Ça mûrit et lors d’un échange avec une personne rencontrée à Mezos, on en parle et elle me dit : “Si tu veux je te prête 10 000 € pour ce projet, tu me les rendras en 2024.” 
Et là c’est parti. Recherche d’un petit mais bon bateau pas cher. Je finis par trouver cet excellent Dufour 2800 à Brest. 10 000 € ce n’est pas suffisant pour partir. J’emprunte 4 000€ sur 2 ans, arrive, je ne sais pas trop comment à mettre 2000 €, les 2000€ restants provenant d’adhésions à l’association Sillages [10€ par an] et de dons.

Voilà comment on en arrive à tenter de doubler le Cap San Roque au Brésil.

Tout cela est rendu possible par le soutien indéfectible de Klau, ma compagne qui pourtant déteste que je parte, de sa fille Morgane qui de Belgrade où elle habite, se démène pour alimenter [quel talent !] Facebook et Instagram afin que les uns et les autres puissiez suivre ce voyage, de Morgan un de mes fils, qui gère le site internet, de Guy, météorologue qui me guide de Tahiti où il réside et de Xavier, un de mes frères, qui m’envoie des infos météo quand Guy n’est pas dispo.
Fred, également de Profs en transition, Gilbert de Lampaul, mécano hors pair et Maurice, sorcier de l’Open CPN. Et bien entendu, la personne rencontrée à Mezos qui a porté ce projet sur les fonds baptismaux. J’oublie quelqu’un bien sûr, qu’il ou qu’elle me pardonne.

Des classes suivent ce voyage, pour moi c’est vraiment important. Ces voyages n’ont d’intérêt que s’ils apportent aux autres.

Latitude, longitude, tropiques, milles marins, droits de l’homme, mondialisation, il y en a des choses à raconter autour de l’expédition de Magellan.
C’est ce que je vais m’efforcer de faire tant que ce voyage continue.

Si cela vous parle, vous intéresse ou vous touche, n’hésitez pas à soutenir ce projet artisanal sans aucune pub. Vous pouvez le faire à partir du site de Sillages ou directement sur la page de l’association.

N’oubliez pas que l’Etat vous remboursera les 2/3 de votre participation. 
Une manière cool d’orienter la dépense publique. 

Allez, on y retourne, il faut doubler San Roque…

Jo Le Guen

13 Novembre – Migrants Climatiques

Que d’eau ! Que d’eau !

Des pintes, des litres, des girafes, des mètres cube par millions, par milliards et dans cette eau, 95% de la biomasse de cette planète, invisible à nos yeux égocentrés, le plancton.
On parlera de Magellan et de ce voyage une autre fois, après l’histoire du télescope adapté, j’ai envie de vous parler des premiers migrants climatiques.

Il était une fois une planète avec des océans et de la terre ferme.
La vie s’était développée depuis fort longtemps dans les océans, mais pas sur la terre ferme où les méchants rayons ultraviolets, les fameux UV, venus de l’espace, brûlaient tout sur une petite épaisseur, 10 cm environ, mais largement suffisante pour empêcher tout développement de la vie.

Que faire ? Zorro n’était pas près d’arriver. L’ange Gabriel ? On l’attend toujours.  Le seul sauveur de la planète disponible à l’époque c’est…le plancton.
Mais comment va faire le gentil plancton qui vit dans l’eau pour empêcher les méchants UV venus de l’espace de tout brûler sur leur passage ?

Il paraît que le plancton n’a pas de cerveau, mais c’est à se demander.
A quoi sert un cerveau d’ailleurs, si c’est pour au final  mettre en œuvre des mécanismes qui  menacent toute forme de vie ?
Je vous le demande.

Le plancton, nuit et jour, été comme hiver, qu’il fasse beau ou pas, passe son temps à absorber du gaz carbonique dont il extrait le carbone qui le nourrit et rejette l’oxygène dont il n’a que faire.
Un vrai morphale.

Vous devez savoir comment on appelle un gaz rejeté par un individu. Pas besoin d’aller à l’école pour ça. Que devient l’oxygène rejeté par le gentil plancton ?
Il s’en va dans l’atmosphère.
Il y a tellement de plancton qui n’arrête pas d’absorber tellement de gaz carbonique, qu’il y a de plus en plus d’oxygène dans l’atmosphère.

En fait, ce qu’on appelle oxygène est un ensemble composé de 2 atomes d’oxygène.
Cet ensemble s’appelle une molécule.

Les dernières molécules d’oxygène expulsées par le plancton poussent vers le haut celles qui étaient déjà là, bien installées.
Et… ?
Là, c’est le retour sur scène des méchants UV. Quand ils voient arriver l’oxygène tout là-haut, ils le bombardent.
Plus bas, ils auraient bien aimé, mais ils n’avaient plus assez d’énergie. Mais là-haut ils en ont assez et ils cassent ! Et ils cassent !! Et ils cassent encore !!!
Voilà nos atomes d’oxygène éjectés de leur molécule, errant dans l’espace à la recherche de quelque endroit où se réfugier.

Les premiers migrants climatiques ce sont eux, les atomes d’oxygène.
Le plus beau reste à venir.

Les atomes d’oxygène, sont comme vous et moi, ils ont horreur de la solitude. Ils cherchent désespérément un abri.
Et quoi de meilleur comme abri sinon une molécule d’oxygène ?
Vite fait, bien fait, par la porte ou par la fenêtre, l’atome d’oxygène squatte la première molécule d’oxygène à sa portée, sans même demander l’avis des propriétaires. Le principe du squat.

Et alors que se passe-t-il ? Quel rapport avec la terre brûlée par les méchants UV ? Et bien la molécule d’oxygène qui avait 2 habitants, en a maintenant 3. Du coup, ce n’est plus une molécule d’oxygène, mais une molécule d’ozone.

Et alors ?

La molécule d’ozone a une propriété, elle filtre les UV !!!
Ceux-ci bombardent et cassent tant et si bien qu’une fine couche d’ozone finit par se constituer et parvient à les empêcher de brûler les 10cm de terre qui interdisait à la vie de se développer.
Pas croyable mais la pure vérité.

Et ce qui devait arriver, arriva. Une algue plus curieuse que les autres pointa, avec prudence, le bout de son nez sur le rivage, s’y trouva pas si mal que ça et voilà comment tout a démarré. De là les plantes, les dinosaures et nous.

En fait, si l’homme finit par détruire la planète, c’est la faute aux UV. Ils n’avaient qu’à pas bêtement casser de la molécule d’oxygène, la vie ne serait pas apparue telle que nous la connaissons aujourd’hui.
A moins que ce soit la faute au plancton. Il n’avait qu’à ne pas rejeter d’oxygène.
A moins que ce ne soit que la faute de l’homme finalement.

Jo Le Guen

22 Octobre – On the road again

Bonjour,

Cet après-midi je reprends la route.  En espérant ne pas devoir m’arrêter à nouveau.
Le 20 septembre 1519, les 5 navires de l’expédition quittaient San Lucar de Barrameda à l’embouchure du Guadalquivir. Je ne sais quand ni où ni même si je vais les rattraper à 501 années de distance. J’ai 32 jours de retard à combler.

Magellan et sa flotte ont passé l’Equateur vers le 20 novembre.  Pour le passer à cette date, il me faut faire une moyenne d’environ 100 milles par jour. Jouable pour Juan.

En espérant que d’ici là on ne se fera pas couper en deux par les moustaches d’un Imoca parti à la poursuite du temps qui passe.

Jo Le Guen

18 Octobre – Arrêt météo à Portimão

Bonjour,

Au mouillage à Portimao au sud du Portugal. 
Une dépression s’installe et va balayer le Sud jusqu’aux Canaries. Vu mon programme, aller au baston n’apporterait rien. Donc pause météo jusqu’à jeudi à priori.

Dans la descente depuis la Bretagne, Juan s’est bien comporté, un bon petit bateau. Il me semble qu’on s’entend bien. J’aurais préféré ne  pas m’arrêter bien entendu, histoire de rester dans le rythme qui avait commencé à se mettre en place, mais (je déteste cette expression) c’est comme ça.

Le départ vendredi dernier était émouvant bien sûr.
Mes amarres ont été larguées par 2 grands noms de la voile, Yvon Fauconnier et Eugène Riguidel. L’inusable Alain Connan, 88 ans, un parcours de vie aussi incroyable qu’inspirant était passé un peu plus tôt dans la semaine.
Après une soirée raisonnablement arrosée où il s’était couché à 1h du matin [ la veille chez Eugène il n’avait pas fait mieux ] il s’est levé à 6h du matin, un bol de café et une crêpe, et le voilà parti à 7h  direction la Bourgogne où il demeure.  A 14h30 il était chez lui ! A 88 ans ! Moi qui me considère comme un vieux à 73 ans, je me dis que tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir.

Quand je descendais le long du Portugal, je le regardais d’un autre oeil, pas Alain Connan, le Portugal.
Devant Porto, c’est dans cette région qu’est probablemennt né Magellan, devant Lisbonne, Bartolomeo Diaz, Vasco de Gama, Magellan pour ne citer qu’eux ont navigué dans ces eaux, en doublant le cap St-Vincent comment ne pas penser à Henri le Navigateur, qui n’a quasiment jamais navigué, mais à oeuvré toute sa vie pour permettre au Portugal de se doter des meilleurs marins, pilotes, commandants et bateaux.

Comme j’ai pris la première à gauche en doublant St-Vincent je n’ai pas encore eu l’honneur de croiser la route de la Victoria qui, après être montée jusqu’aux Açores lors de son voyage retour, a pris les vents d’Ouest pour rentrer à Séville.
Lorsque je quitterai Portimao en route vers le Sud, je croiserai obligatoirement sa route. A un moment et un endroit précis que je ne connaîtrais jamais, Juan Elcano, mon brave bateau, cap au Sud, va traverser l’image de la Victoria  menée par Juan Elcano, son capitaine, cap à l’Est. A 498 ans de distance.

Imaginons “quelqu’un” dans l’espace situé à 498 années-lumière de la Terre. S’il regarde la Terre grâce à son téléscope, s’il parvient à percer les couches de nuages, il verra ce qui s’y passait il y a 498 ans, entre autres, la Victoria faisant voile vers Séville.
Ce moment, comme tous les moments est éternel, pour le voir il suffit d’être à la bonne distance-lumière de la Terre. Et il est partout parce que quiconque, où qu’il soit, pourvu qu’il soit à la bonne distance année-lumière pourra voir l’action se dérouler.
Tout ce que vous faîtes en ce moment est éternel. Il suffira à quelqu’un, doté du téléscope adapté, d’être à la bonne distance-lumière pour vous voir mettre la main dans le pot de confiture.
Chaud l’affaire !

Jo Le Guen

4 octobre – Le doute et la peur.


Le doute et la peur.

Bonjour,
Monter un projet c’est prendre le chemin de l’incertitude.
Vais-je parvenir à le rendre concret ?
Et s’il voit le jour, vais-je être à la hauteur ?
Depuis 3 ans je parle, et je parle et je parle.
J’ai d’abord parlé pour tenter de convaincre les uns et les autres de me suivre dans mon projet de traversée à la dérive de l’océan Atlantique des Canaries aux Antilles, sur un voilier sous lequel serait suspendu entre 5 et 10 mètres de profondeur, un container ouvert de 6 mètres de long.
L’idée était d’observer le développement de la vie dans et autour de ce container durant les environ 3 mois de traversée, poussés uniquement par la force du vent, des vagues et de la houle sur la coque du voilier.
On traversait l’océan à la dérive à reculons en remorquant notre container immergé.
Se déplacer sans bruit parasite à 2/3 km/heure en eaux chaudes aurait attiré tout ce qui vit dans l’océan.
Nous aurions créé un support de vie.
Je ne suis pas parvenu à monter ce projet.
Dans ces cas là on ne peut s’en prendre qu’à soi-même.
Déçu et frustré, je me suis plongé dans la lecture et me suis retrouvé avec le “Magellan” de Stefan Sweig.
J’ai pris conscience qu’entre Magellan, Vasco de Gama, Amerigo Vespucci, je ne savais pas vraiment qui avait fait quoi et dans quel ordre.
Je me suis plongé dans la littérature.
Au bout d’un moment, je me suis dit : en 2022, cela fera 500 ans qu’un des bateaux de l’expédition de Magellan bouclait le premier tour du monde à la voile dans l’histoire de l’humanité.
Et c’est reparti.
Histoire d’essayer de ne pas rester sur un échec,
histoire aussi de tenter aussi de servir à quelque chose,
histoire de ne pas rester assis à ne rien faire alors que je me sens encore en capacité d’agir,
histoire d’essayer de transmettre à quelques uns,
histoire de…histoire de…histoire de… me voilà en ce 4 octobre attendant une fenêtre météo pour quitter la Bretagne sur un brave petit voilier de 8m20 baptisé Juan Elcano du nom du premier capitaine à avoir accompli un tour du monde, ce qui n’était pas du tout son objectif initial.
Maintenant que j’ai réussi à être au départ, vais-je être à la hauteur ?
En Bretagne comme ailleurs, nous avons des phrases que l’on peut qualifier de définitives.
Pour les marins il y en a une, radicale :
Entre le dire et le faire, il y a la mer.
Et si je me vautrais au bout d’un jour de navigation, et si… et si… le doute.
La peur de n’avoir fait que parler et parler encore.
Cela fait 3 ans que je parle.
Si je n’avais pas déjà monté des projets et réalisé des traversées, je pourrai me dire que je ne suis bon qu’à parler.
Calme toi Joseph.
Vendredi ça a l’air d’être bon au niveau météo durant les 3 ou 4 jours qu’il me faut pour traverser le golfe.
Donc à vendredi sur l’eau.
On croise les doigts.
Si vous voulez suivre notre progression à Juan et moi-même, une carte animée actualisée chaque jour est à votre disposition sur la page d’accueil de Sillages
La prochaine newsletter devrait être écrite du bateau.
Si Dios quiere…
Jo Le Guen