01/02/2021

Michel Le Bris s’en est allé. Directeur de “La Cause du Peuple”, co-créateur de “Libé”, fondateur du festival “Etonnants Voyageurs”, il était de ceux qui vous laissent pantois lorsque vous avez la chance de pouvoir passer un moment en leur compagnie. Il émanait de lui une puissance sereine qui, sans la moindre intention de vous nuire, vous ramenait à votre ordinairalité [pourquoi ce mot n’existe-t-il pas dans la langue française ?], voire à votre médiocrité.

Ma mère ne s’en est pas allée. J’étais rentré de Guyane car elle s’était une deuxième fois cassé un fémur. Étant bloqué en Guyane jusqu’à fin mars, n’étant pas certain de pouvoir revenir la voir une fois reparti en mer, je suis rentré pour ce qui pouvait être une dernière rencontre. Malgré une bactérie mangeuse de chair qui obligea à une seconde opération, 2 semaines après la première, ma mère, 94 ans bientôt et demi, est retournée dans sa jolie chambre à la maison de retraite après un mois passé à l’hôpital. Lorsque je lui parlais des infirmières qui la disaient indestructible, elle s’est permis un trait d’humour : “C’est dommage pour vous !”. Ce n’est pas l’attente d’un quelconque héritage qui nous rendrait impatient de la voir nous quitter, moi et mes 6 frères et sœurs, elle nous a déjà légué son unique patrimoine, les 74 ans d’amour qu’elle a porté à ses enfants.

Michel est parti, ma mère résiste, je suis bloqué en France. Jusqu’à quand ?
Lorsque qu’on revoit les commentaires des politiques et des scientifiques il y a un an : “Il y a très peu de chance que l’épidémie arrive chez nous “ “Les masques ne servent à rien”, etc…on ne peut qu’être dubitatif sur ce que nous réservent les mois à venir.

Même si je pouvais retourner en Guyane, le Brésil, l’Argentine, le Chili sont fermés. Si j’avais pu doubler la pointe du Brésil, je serai certainement bloqué dans un port quelconque comme beaucoup de marins aujourd’hui avec l’incertitude comme compagne.

Il y a peu, la mer était perçue comme un espace de liberté ouvert sur le monde.
Il reste certainement quelques espaces non confinés, non interdits du côté de la Polynésie par exemple, mais pour combien de temps encore ?

Quand pourrons-nous aller d’un port à l’autre sans autre contrainte que celles liées à la navigation ? Quand pourrons-nous assister tous ensemble à un concert ? Quand les stades seront-ils à nouveau pleins ?

Problèmes de nantis me direz-vous, alors que tant de gens n’ont pas de quoi se nourrir, encore moins se soigner.

Dans cette pandémie, comme dans toutes celles qui ont précédé, ce sont les pauvres qui vont payer le plus lourd tribut.

Ça a toujours été comme ça la vie, n’est-ce pas ?