18/10/2020

Bonjour,

Au mouillage à Portimao au sud du Portugal.
Une dépression s’installe et va balayer le Sud jusqu’aux Canaries. Vu mon programme, aller au baston n’apporterait rien. Donc pause météo jusqu’à jeudi à priori.

Dans la descente depuis la Bretagne, Juan s’est bien comporté, un bon petit bateau. Il me semble qu’on s’entend bien. J’aurais préféré ne  pas m’arrêter bien entendu, histoire de rester dans le rythme qui avait commencé à se mettre en place, mais (je déteste cette expression) c’est comme ça.

Le départ vendredi dernier était émouvant bien sûr.
Mes amarres ont été larguées par 2 grands noms de la voile, Yvon Fauconnier et Eugène Riguidel. L’inusable Alain Connan, 88 ans, un parcours de vie aussi incroyable qu’inspirant était passé un peu plus tôt dans la semaine.
Après une soirée raisonnablement arrosée où il s’était couché à 1h du matin [ la veille chez Eugène il n’avait pas fait mieux ] il s’est levé à 6h du matin, un bol de café et une crêpe, et le voilà parti à 7h  direction la Bourgogne où il demeure.  A 14h30 il était chez lui ! A 88 ans ! Moi qui me considère comme un vieux à 73 ans, je me dis que tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir.

Quand je descendais le long du Portugal, je le regardais d’un autre oeil, pas Alain Connan, le Portugal.
Devant Porto, c’est dans cette région qu’est probablemennt né Magellan, devant Lisbonne, Bartolomeo Diaz, Vasco de Gama, Magellan pour ne citer qu’eux ont navigué dans ces eaux, en doublant le cap St-Vincent comment ne pas penser à Henri le Navigateur, qui n’a quasiment jamais navigué, mais à oeuvré toute sa vie pour permettre au Portugal de se doter des meilleurs marins, pilotes, commandants et bateaux.

Comme j’ai pris la première à gauche en doublant St-Vincent je n’ai pas encore eu l’honneur de croiser la route de la Victoria qui, après être montée jusqu’aux Açores lors de son voyage retour, a pris les vents d’Ouest pour rentrer à Séville.
Lorsque je quitterai Portimao en route vers le Sud, je croiserai obligatoirement sa route. A un moment et un endroit précis que je ne connaîtrais jamais, Juan Elcano, mon brave bateau, cap au Sud, va traverser l’image de la Victoria  menée par Juan Elcano, son capitaine, cap à l’Est. A 498 ans de distance.

Imaginons “quelqu’un” dans l’espace situé à 498 années-lumière de la Terre. S’il regarde la Terre grâce à son téléscope, s’il parvient à percer les couches de nuages, il verra ce qui s’y passait il y a 498 ans, entre autres, la Victoria faisant voile vers Séville.
Ce moment, comme tous les moments est éternel, pour le voir il suffit d’être à la bonne distance-lumière de la Terre. Et il est partout parce que quiconque, où qu’il soit, pourvu qu’il soit à la bonne distance année-lumière pourra voir l’action se dérouler.
Tout ce que vous faîtes en ce moment est éternel. Il suffira à quelqu’un, doté du téléscope adapté, d’être à la bonne distance-lumière pour vous voir mettre la main dans le pot de confiture.
Chaud l’affaire !

Jo Le Guen