Le blog du voyage

Au début de 2016, ma compagne posa ma candidature à un rôle de vieux marin échoué dans une cité HLM pour un court-métrage financé par Brest Métropole Habitat, l’organisme de gestion des logements sociaux de Brest et sa périphérie.

Je fus retenu et me voilà jouant le rôle d’Hervé dans “Le Large”.

Cela a dû remuer des choses enfouies quelque part dans ma mémoire. Il ne faut jamais croire un marin lorsqu’il dit qu’il ne retournera jamais naviguer. J’en sais quelque chose, je me le suis dit quelquefois.

La mer est sûre de nous reprendre un jour.

Début avril 2016, lors d’un repas avec des amis, je parlais d’un de mes fantasmes, dériver dans l’Atlantique des Canaries aux Antilles sur une espèce de péniche qui ferait bar, épicerie, quincaillerie, boîte de nuit, où les voiliers en route pour les Antilles s’arrêteraient boire un p’tit coup ou acheter une clé de 17 avant de reprendre leur route.

Total délire.

Quelques jours passent, et me revient en mémoire un fait vieux de 21 ans qui s’est passé en 1995 lors de ma traversée de l’Atlantique Nord à la rame.

Il faisait beau. Mer calme. Je vis approcher de moi, ou plutôt moi d’elle une bouteille en plastique type 1,5l d’eau minérale. Elle flottait quasi debout car il y avait du liquide à l’intérieur.

Je l’attrapais par le goulot et allais la faire rejoindre ma poubelle lorsque je remarquais toute une activité sur la partie immergée : algues, tout-petits crabes, tout-petits poissons. Face à cette micro-explosion de vie je n’ai pas hésité longtemps. J’ai remis tout ce petit monde à l’eau accroché à sa bouteille plastique. Je le confesse sans regret.

21 ans plus tard, tel un diable sortant de sa boîte, cette bouteille s’inscrivit en fond d’écran dans mon champ visuel. Et là, tel Jake Blues dans les “Blues brothers”, je reçus l’illumination. Moi, ce n’était pas “L’orchestre !” mais “La dérive !”.

Nous allons dériver des Canaries aux Antilles pour observer, photographier et filmer le développement de la vie sur un mobile en déplacement lent à travers un océan et, tant qu’à faire, proposer à des scientifiques, s’ils y voient un intérêt, de prendre tout un tas de mesures de l’air et de l’eau, en surface et en profondeur tout au long du trajet.

Cette aventure humaine, maritime, scientifique devrait aussi pouvoir servir de support à une opération de sensibilisation des jeunes aux défis environnementaux auxquels ils auront à faire face dans leur vie d’adulte.

C’était dit.

Il ne restait plus qu’à le faire.

Comme on dit en Bretagne : “Entre le dire et le faire, il y a la mer”.

Je ne l’ai pas fait.

Au bout de 3 ans d’efforts, je ne suis pas parvenu à convaincre les uns et les autres de l’intérêt de ce projet et ai du me résoudre à le laisser de côté. Histoire de me changer les idées, je décidais de me pencher sur la chronologie des grandes découvertes maritimes. Vasco de Gama, Amerigo Vespucci, Fernand de Magellan…qui avait fait quoi et quand ? Je n’en savais trop rien, en tout cas pas assez pour répondre correctement à la précédente question.

Je me plongeais dans la littérature idoine et me rendis compte que le 8 septembre 2022, cela fera 500 ans que le Victoria, seul navire rescapé de l’expédition montée par Magellan, entrait à Séville, réalisant ainsi le premier tour du monde de l’histoire de l’humanité.

C’est ainsi que cette histoire commença…mais je rêve bien entendu.