Le Portugais Fernand de Magellan avait su convaincre le jeune Charles Quint, héritier du trône d’Espagne, de financer une expédition pour tenter de parvenir aux îles aux épices en passant par l’Ouest, la route de l’Est par le tour de l’Afrique étant réservée aux Portugais.

Le Portugal et l’Espagne s’étaient partagés le monde. Une première fois en 1480 par le traité d’Alcaçovas, une seconde fois en 1494 par le traité de Tordesillas, ces deux traités ayant été approuvés par le pape.

La poire en deux.

Une ligne positionnée à environ 2 000 km à l’Ouest des îles du Cap Vert donnait l’exclusivité de la navigation côté Afrique au Portugal et pour tout ce qui était à droite de cette ligne, dont les fameuses Indes découvertes par Christophe Colomb, à l’Espagne.

Si les Français et les Anglais n’étaient pas conviés au festin, c’est tout simplement parce qu’ils n’avaient pas de flottes capables de rivaliser avec les Portugais et les Espagnols.

Ce monopole sur la route des épices faisait la fortune du Portugal. Y parvenir par l’Ouest, en faisant le tour de l’Amérique, était bien tentant.

Une question était en suspens : dans quelle moitié étaient situées ces fameuses îles aux Épices ?

La moitié portugaise ? La moitié espagnole ?

Les Portugais ne s’embarrassaient pas avec cette question. Ils s’approvisionnaient déjà dans ces îles en girofle, muscade, cannelle, poivre, qui se vendaient une fortune en Europe.

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A cette époque quand on traitait quelqu’un de « sac à poivre » c’est qu’il était très riche.

Malgré tout il y avait une ligne de partage officielle, du moins dans l’Atlantique, mais de l’autre côté ?

Puisque la Terre est aussi ronde qu’une orange, si vous tracez une ligne qui part du Pôle Nord pour arriver au Pôle Sud, il y a, « de l’autre côté », une ligne qui part elle aussi du Pôle Nord pour rejoindre le Pôle Sud, histoire de boucler la boucle.

Où était située cette fameuse ligne ? Grande question d’autant plus difficile à résoudre qu’à l’époque si les navigateurs et cartographes parvenaient avec une assez bonne précision à déterminer la latitude, position Nord ou Sud par rapport à l’Equateur, ils avaient beaucoup plus de mal à déterminer la longitude, la position Ouest ou Est, car il leur manquait la maîtrise du temps. Pour estimer où l’on se trouve à l’Ouest ou à l’Est d’un point ou d’une ligne quelconque il faut connaître l’heure.

Source Wikipedia :

« La mesure de la longitude est fondamentale pour la navigation. La recherche de la meilleure technique pour son calcul fut donc l’une des plus acharnées et importantes du XVIIIe siècle.

Devant le nombre d’accidents maritimes dus à l’absence de méthode suffisamment précise pour déterminer la position est-ouest des navires, le parlement britannique, sous la pression des commerçants et armateurs, vota une loi. Dans cette loi dite Longitud Act de 1714, la Grande-Bretagne offrait un prix de 20 000 livres sterling (plusieurs millions d’euros d’aujourd’hui) à toute personne capable de concevoir un moyen de déterminer la longitude de façon pratique, fiable, en toute circonstance à bord d’un bâtiment en mer. »

La perspective de gagner une si belle somme motiva de nombreux horlogers. Il fallu tout de même attendre 21 ans, en 1735, pour que John Harrisson, horloger autodidacte, puisse présenter son système de mesure du temps, un chronomètre.

Avec Magellan et Charles Quint, nous ne sommes pas au XVIII ème siècle, mais au début du XVI ème. Il est facile d’imaginer les difficultés à déterminer une position Est-Ouest.

Donc, bien que les Portugais commerçaient déjà avec les îles aux Épices, vu les perspectives de gain et l’imprécision quant à leur position, il était tentant d’y aller faire un tour par un nouveau chemin, histoire de s’octroyer une part du gâteau.

Dans l’ombre de Charles Quint, qui avait tout juste 18 ans à l’époque, se tenait Juan Rodriguez de Fonseca, archevêque de Burgos, déjà ordonnateur de l’expédition de Christophe Colomb en 1492.

Colomb resta persuadé jusqu’à sa mort en 1506 avoir découvert les fameuses Indes. Mais après lui d’autres navigateurs avaient poursuivi son voyage et avaient acquis la conviction qu’il s’agissait d’un nouveau continent.

L’un d’entre eux, Amerigo Vespucci, l’exprima dans un écrit qui parvint aux moines cartographes de l’abbaye de St-Dié dans les Vosges.

Cet écrit était le premier document qui présentait ces terres nouvelles comme un nouveau continent et non pas comme faisant partie des Indes.

Ces moines publièrent en 1507 un nouveau planisphère sur lequel ils appelèrent le nouveau continent découvert par Christophe Colomb « America » en l’honneur d’Amerigo Vespucci.

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D’aucuns firent un mauvais procès à Amerigo Vespucci lui reprochant d’avoir usurpé à Christophe Colomb le nom qui lui revenait de droit. S’il avait fallu traîner quelqu’un en justice, ce n’était pas Amerigo Vespucci mais plutôt les moines de St-Dié.

En 1519, lorsque Magellan sollicite une audience auprès de Charles Quint, Juan Rodriguez de Fonseca sait depuis fort longtemps que ce n’est pas aux Indes que Christophe Colomb est parvenu et que par conséquent une nouvelle tentative de parvenir à ces fameuses îles aux épices offrirait la perspective de gains conséquents.

Il conseilla donc Charles Quint dans ce sens et c’est ainsi que Magellan, le portugais, se retrouva à Séville le 10 août 1519 à la tête d’une flotte de 5 navires, 237 hommes d’équipage, financée par l’Espagne.

La flotte de Magellan

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A cette époque, ce n’est pas encore « England rules the waves », ce serait plutôt « Le Portugal roi des mers ». Les navigateurs portugais disposent de cartes et de connaissances jalousement gardées [vendre une carte à une autre nation pouvait entraîner la peine de mort]. Magellan joue là-dessus pour faire croire aux Espagnols qu’il dispose d’informations sur un passage au sud de l’Amérique. S’il a su convaincre l’entourage de Charles Quint, les Espagnols se méfient de ce Portugais ombrageux. La confiance placée en lui avait des limites, aussi Juan de Fonseca, archevêque de Burgos, principal conseiller de Charles Quint, prit-il soin de confier le commandement d’un des bateaux ainsi que le rôle de représentant du roi à un de ses fils naturels, Juan de Cartagena et fit embarquer comme officier un neveu tout aussi naturel, Antonio de Coca. Comme on n’est jamais trop prudent, il nomma 2 autres capitaines qu’il choisit dans la noblesse espagnole. Magellan put nommer le 5ème capitaine, mais dut batailler ferme pour embarquer des Portugais qu’il jugeait compétents.

L’ambiance s’annonçait tendue. Elle le fut.

Le 1er avril 1520 une mutinerie éclata au sud de ce qui deviendra plus tard l’Argentine. Magellan manœuvra de main de maître pour la réprimer et reprendre le contrôle de la flotte.

Un capitaine, noble espagnol, fut poignardé par le maître d’armes de Magellan. Un autre capitaine fut décapité, son corps démembré et exposé sur des piques. Le troisième, et non le moindre, puisqu’il s’agissait du fils naturel de l’archevêque de Burgos, fut abandonné sur le rivage lorsque la flotte reprit la mer le 24 août 1520 après s’être protégée des duretés de l’hiver dans la baie de San Julian.

Exit 3 des 4 protégés de l’archevêque de Burgos. Le 4ème décédera de maladie aux Philippines.

Il fallut encore 2 mois pour trouver l’entrée de ce qui allait devenir le détroit de Magellan et 37 autres jours pour le parcourir avant de pouvoir naviguer dans le nouvel océan le 27 novembre 1520, un an 2 mois et 7 jours après avoir quitté l’Espagne. Impressionné par les bonnes conditions météorologiques qu’il y rencontra, Magellan le baptisa « Océan Pacifique ».

De la flotte de 5 navires au départ de Séville, il en reste 3 : La Trinidad, la Concepcion et la Victoria.
Le Santiago avait fait naufrage lors d’une reconnaissance dans la baie de Santa Cruz au sud de Port San Julian.
Les pilotes du San Antonio se mutinèrent au beau milieu du détroit et décidèrent de faire demi-tour le 8 novembre. Ils arrivèrent à Séville le 6 mai 1521.

Après maintes péripéties les îles aux épices furent atteintes le 21 octobre 1521 mais sans Magellan qui mourut aux Philippines le 27 avril.

La Concepcion fut brûlée aux Philippines pour cause de manque d’équipage, la Trinidad fût arraisonnée par les Portugais. Seule la Victoria parvint à revenir à Séville.

Mort de Magellan.

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