
Les Droits de l’Homme ont été à géométrie variable tout au long de l’histoire.
Ce qui nous semble la norme aujourd’hui aurait certainement semblé inconcevable dans les siècles passés et paraîtra certainement quoi ? dans ces temps futurs où les formes d’intelligence artificielle auront pris le contrôle de tout et de tous.
Petit rappel : Il a fallu attendre (en France) 1841 pour qu’une loi interdise le travail des enfants de moins de 8 ans, loi mal appliquée de surcroît. En 1867 les enfants de moins de 15 ans constituaient encore 15% de l’effectif dans les mines du Nord et du Pas-de-Calais.
En France toujours, il a fallu attendre le 13 juillet 1965 pour qu’une loi autorise les femmes à travailler sans l’autorisation de leur mari et à ouvrir un compte en banque.
Tout a toujours été, est et sera relatif.

Tout ne commença sans doute pas en 1479, mais le traité d’Alcáçovas signé cette année là a posé les bases d’un système qui perdure jusqu’à aujourd’hui.
Source Wikipedia : Le Traité d’Alcáçovas est un texte fondateur dans l’histoire du colonialisme. En effet, c’est le tout premier des documents internationaux qui formalise explicitement le fait que les Européens s’attribuent le pouvoir de diviser le reste du monde en “sphères d’influence” et d’en coloniser les territoires, considérés comme terrae nullius, sans se soucier du consentement d’éventuels peuples autochtones. Ce principe va rester généralement admis dans les idéologies et les pratiques des Européens jusqu’aux décolonisations du XXe siècle.
13 ans après la signature de ce traité, Christophe Colomb traverse l’Atlantique.
L’Espagne et le Portugal éprouvent alors le besoin de re-préciser les règles pour les découvertes à venir.
Elles seront redéfinies en 1494 dans le cadre du traité de Tordesillas qui sépare l’Atlantique en deux à partir d’une ligne imaginaire positionnée à environ à 2 000 km à l’Ouest du Cap Vert.

Sur la carte ci-dessus, nous voyons, en vert clair, la moitié du monde attribuée au Portugal, en vert foncé, la part attribuée à l’Espagne.
Si les Français, Anglais et Hollandais ne sont pas invités au festin, c’est tout simplement parce qu’à cette époque il n’avaient pas de flottes capables de rivaliser avec les Portugais et les Espagnols.
C’est sur cette base que Charles Quint envoya Magellan faire le tour de l’Amérique.

Malgré leurs tentatives de ne pas autoriser la mise en esclavage des populations rencontrées, décret de Charles Quint en 1526, bulle papale en 1537, les affaires étant les affaires, les rois et papes finirent par s’incliner devant la réalité économique.
Depuis Christophe Colomb, les voyages vers ces nouvelles contrées, où les Espagnols et les Portugais rencontrèrent des populations technologiquement inférieures, provoquèrent nombre débats et discussions dont le point culminant fut la controverse de Valladolid en 1550/1551 qui se déroula sous l’égide d’un représentant du pape.
Censée établir les droits des Indiens elle eut pour principale conséquence le développement frénétique de la traite d’esclaves à partir de l’Afrique.

Tel était le débat à cette époque.
Valladolid.fr
Les nouveaux maîtres ayant besoin de main d’oeuvre se rabattirent sur les Africains considérés comme plus résistants. De plus, s’il y avait débat à l’époque pour savoir si les Indiens étaient ou pas des enfants de Dieu, la question ne se posait pas pour les Africains, ce qui permit à la traite de se développer intensivement.
Cette idée de partage du monde entre puissants trouva son prolongement 400 ans plus tard dans les résolutions de la conférence de Berlin en 1885, à laquelle ont pris part l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, la Belgique, le Danemark, l’Empire ottoman, l’Espagne, la France, la Grande-Bretagne, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la Russie, la Suède-Norvège ainsi que les États-Unis.
Cette conférence avait pour but in fine de trouver un terrain d’entente pour se partager l’Afrique.

Sur la même idée, les Français et les Britanniques se partagèrent la domination d’une grande partie du Moyen-Orient en 1916 dans le cadre des Accords Sykes-Picot.
Près de 500 ans après le traité d’Alcaçovas, en 1944, le Comité Français de Libération Nationale sous la présidence du Général de Gaulle, organise la conférence de Brazzaville qui doit préparer l’après-guerre. Les quelques Africains présents le sont à titre d’observateurs.
Les conclusions de la conférence sont claires : « toute idée d’autonomie, toute possibilité d’évolution hors du bloc français de l’Empire : la constitution éventuelle, même lointaine, de self-governments [auto-gestion] dans les colonies est à écarter ».

Plus près de nous, au mois de février 2020 aux Etats-Unis un procureur blanc a considéré que le meurtre par 2 blancs [dont un policier en retraite] d’un jeune noir qui faisait son jogging était de la légitime défense (les 2 blancs armés d’un fusil et d’un revolver poursuivaient le jogger en pick-up) et a décidé de ne pas les inculper considérant leur meurtre comme une « arrestation citoyenne ». Il a fallu plus de 2 mois et la mobilisation de membres en vue de la communauté noire, pour qu’un grand jury décide de les inculper de meurtre.
Est-ce que le monde change ?
Lorsqu’on achète aujourd’hui 5€ un t-shirt fabriqué au Bangladesh nous préoccupons nous vraiment des conditions de vie et de travail dans ce pays ?

Sommes-nous vraiment différents des générations qui nous ont précédé ?