J’ai imaginé un père d’origine africaine amenant son fils pré-ado voir le château de Versailles et lui expliquant comment il a été financé.

Histoire de parler du contexte de l’époque cet extrait de l’excellent livre « Homo Deus » page

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Le cri des pierres

Pierres, parlez !
Murs, criez !
Tours, hurlez !
Faites de sang,
fruits de tourments,
malgré le temps
on vous entend.

Ils sont venus, nous ont raptés,
frappés, entravés, enchaînés,
nos sœurs violées et partagées
entre les marins avinés.

A fond de cale embarqués,
épaule contre épaule enchaînés,
par la peur et les cris assommés,
protestez et claque le fouet.

Battus, assoiffés, affamés.
Tes besoins ? Sous toi entravé.
Malades, par-dessus bord jetés,
oublie qu’un homme tu as été.

En terre inconnue débarqués,
triés, séparés, exhibés,
muscles et dents examinés,
aujourd’hui marchandise tu es.

Nus, fers aux pieds, sur l’estrade alignés,
regard baissé, au plus offrant cédé.
Corde au cou mise par un frère habillé
vers ta nouvelle vie tu es amené.

A peine arrivé, contre un mur plaqué.
Quatre anneaux pour t’empêcher de bouger.
Des tiges de fer dans un feu allumé
attendent ton épaule pour la dévorer.

Crie mon frère crie !
Hurle mon frère hurle !
Chacun t’entend, personne pour t’écouter.
Dans la douceur du matin embrumé
flotte l’odeur de tes chairs calcinées.

Coupe la canne sous le soleil brûlant,
Jour après jour, tu dois trimer aux champs.
Le sucre vaut de l’or au pays blanc,
Travaille, travaille pour enrichir ces gens.

Si tu es résistant, costaud, musclé,
tu pourras peut-être une soeur engrosser,
il faut bien la main d’oeuvre renouveler.
Encore enfant il devra travailler.

Que font ces blancs de tout ce bel argent,
produit de notre souffrance et de notre sang ?
Partagé entre tous ? Plus d’indigents ?
Pas du tout mon fils, regarde là devant…

Ce beau château, ses hauts mûrs, ses jardins,
chacune des pierres te dira le chagrin.
Douleur et désespoir chaque matin.
Douleur et souffrance, menu quotidien.

Le prix payé serait-il suffisant
pour que tu puisses écouter leurs tourments ?
Eh non mon enfant, toi, leur descendant,
Pour entendre le cri des pierres dans le vent
tu devras payer de ton bel argent.

Pierres, parlez !
Murs, criez !
Tours, hurlez !
Faites de sang,
fruits de tourments,
malgré le temps
on vous entend.